L’argent, meilleur objectif pour le succès des entreprises ?

A la question de l’objectif des entreprises, de la raison d’être de celles-ci, la réponse qui m’est le plus souvent donnée est : « Le but des entreprises est faire de l’argent ».

Si cette idée est répandue et acceptée de manière générale, je ne suis pas certain que « faire de l’argent » comme objectif des entreprises soit la manière la plus efficace de les rendre prospères à moyen et long terme.

Comparons deux sociétés fictives, CORP A et CORP B, produisant toutes deux des gadgets « intelligents » mais ayant des cultures d’entreprise différentes.

– CORP A est une organisation autonome dont l’objectif vécu par ses membres est de construire des gadgets « intelligents » pour gagner de l’argent.

CORP B est une organisation autonome dont l’objectif vécu par ses membres est de construire des gadgets « intelligents » pour aider ses clients dans leur vie de tous les jours.

Nous remarquons que CORP A est centrée sur elle-même alors que CORP B s’intéresse au client. Le client, c’est-à-dire une personne ou un groupe de personnes qui aurait un avantage à utiliser le produit ou service, est la raison d’être de CORP B.

C’est très joli tout cela mais dans la vraie vie, la société CORP B a également besoin d’argent !

En effet, ne soyons pas naïfs, même pour les entreprises dont l’objectif n’est pas de faire de l’argent, celui-ci est nécessaire et indispensable. Dans le cas de CORP B et en fonction des situations, l’argent est considéré comme une contrainte (nécessaire au fonctionnement de l’entreprise dans notre système économique), un moyen (de créer et de mettre en place des solutions pour le client) et un indicateur de performance (qui mesure l’intérêt du client pour la solution proposée) parmi d’autres.

Voyons ci-dessous, avec quelques exemples, comment le vécu de ces deux raisons d’être différentes impacte la réaction de l’entreprise dans un environnement économique complexe et incertain.

Relations avec les clients

CORP A
Le personnel de la société CORP A se concentre sur la manière de retirer le plus d’argent possible de la relation avec le client. La situation et l’intérêt du client sont peu pris en compte. La relation est principalement basée sur le prix avec d’un côté CORP A qui veut vendre le plus cher possible et de l’autre, le client qui veut acheter au meilleur prix. La relation est caractérisée par une méfiance mutuelle.

CORP B
Le personnel de la société CORP B se concentre sur la manière d’aider le client. Le client est le centre de d’intérêt et une attention continue est portée à la compréhension des difficultés qu’il rencontre. La relation est caractérisée par l’établissement d’une confiance réciproque.

Capacité d’innovation

CORP A
L’innovation est vécue comme un risque financier car elle est incertaine. De plus, le manque d’intérêt et d’empathie envers le client ne facilite pas la compréhension de ses attentes et rend les innovations moins pertinentes.

CORP B
L’innovation est vécue comme une opportunité d’améliorer les solutions apportées au client. La connaissance approfondie du client et de ses besoins permet d’apporter des innovations plus pertinentes qui seront coconstruites avec lui.

Pression sur les prix

CORP A
Sachant que la société CORP A ne s’intéresse pas réellement aux besoins de ses clients et que sa capacité d’innovation en est plus limitée, nous pouvons supposer que ses produits ne seront pas fortement différenciés. CORP A se trouve donc en concurrence directe avec d’autres fournisseurs. C’est le cas de figure dans lequel le client aura la plus grande possibilité de mettre la pression sur le prix d’achat.

CORP B
Sachant que la société CORP B a une connaissance approfondie des besoins de ses clients, elle est capable d’apporter des solutions pertinentes et différenciées à ses clients. Les clients auront moins de latitude pour mettre la pression sur le prix d’achat.

Motivation des équipes opérationnelles

CORP A
Qu’est-ce qui motive les personnes à travailler pour une société dont la raison d’être est de faire de l’argent ? L’argent, donc le salaire !
Pour motiver les personnes, une seule méthode, les incitants financiers.
Pour garder les bons éléments, une seule méthode, donner un meilleur salaire que le concurrent.

CORP B
Qu’est-ce qui motive les personnes à travailler pour une société dont la raison d’être est d’aider ses clients ? L’impact qu’ils auront dans la réalisation de cette mission !
L’argent reste un facteur important mais n’est pas le plus important, contrairement à la capacité de l’entreprise à tenir collectivement sa promesse aux clients.

Même si ces exemples sont quelque peu caricaturaux, nous constatons qu’un vécu de mission d’entreprise « creux » laisse la priorité à l’argent comme objectif, limite la capacité d’innovation et donne priorité à l’argent dans les relations de la société avec ses clients et ses propres collaborateurs ; la perception d’une entreprise égocentrée amenant les autres intervenants à adopter, eux-mêmes, des comportements égocentrés au détriment de la prospérité de l’organisation.

Mais, écrire une belle mission ne suffit pas. Il faut que celle-ci soit réellement vécue par tous les membres de l’organisation !

Et dans votre entreprise, que répondraient les collaborateurs à la question de sa raison d’être ?

Nicolas Demuynck pour L’Entreprise Intelligente
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